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The Get Down: Aux origines du flow (Netflix)

Une fois n’est pas coutume, Netflix ne nous livre qu’une demi saison de la série qui est à ce jour sa plus grosse production en terme de budget.
The Get Down ou les débuts du hip hop sous la direction de Baz Luhrmann et son style baroque.

Gangta’s Paradise

The Get Down est un show qui répond à la définition de “development hell” (développement compliqué), assez rare dans l’univers de la série. Projet signé à l’automne 2012 avec Sony, Shawn Ryan engagé comme showrunner en 2014, mais qui quittera le navire quand la série déménagera de Los Angeles à New-York, et un Baz Luhrmann pour chapeauter le tout, qui passera de créateur qui aurait dû superviser le show de loin à showrunner à proprement parler. Relations compliquées avec Sony, explosion des budgets qui amène l’addition de cette première saison à 120 millions de dollars, soit la série la plus chère de Netflix, mais également une des plus chères tout court. Au final, le projet verra le jour, et la première moitié de la saison est disponible depuis le 12 août sur Netflix. [youtube id= »usv442G6H8A »]

The Get Down prend place principalement dans le sud du Bronx (New-York), durant l’été 1977, images d’apocalypse d’un quartier laissé à l’abandon, dans lequel règne l’anarchie la plus complète. Nous suivons une bande de jeunes lycéens, Ezekiel (Justice Smith), qui deviendra “Books”, et les 3 frères Kipling : Boo-Boo (T.J. Brown Jr.), Ra-Ra (Shylan Brooks) et Dizzie (Jaden Smith). Evidemment tout cela ne fonctionnerait pas totalement sans Mylène (Herizen F. Guardiola), la figure féminine, la dulcinée. Enfin, dernier personnage central, Shaolin Fantastic (Shameik Moore), jeune graffeur qui abandonne les bombes (de peinture) pour les platines, suivant ainsi les enseignements de Grandmaster Flash (interprété par Mamoudou Athie dans la série).

Premier point intelligent de la série, ce groupe de jeunes n’est pas une bande de voyous, mais un groupe de jeunes gens plutôt bien sous tout rapports, qui vont se passionner pour une forme d’expression à ses balbutiements, simplement dans un contexte proche d’une ambiance de guerre. Un autre personnage important, essentiel, de cette histoire, est la ville de New-York elle-même. Le choix de l’année 1977 n’est pas du tout hasardeux ; les 13 et 14 juillet de cette année, une terrible coupure d’électricité plonge la ville dans le noir et cause violence, vandalisme, entre autres. Sur les cendres de cette crise émergera Ed Koch (Frank Wood dans la série), représenté dans la série, qui fut maire de New York pendant trois mandats.

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Quelques autres personnages sont encore à mentionner. Les frères Cruz, Francisco (Jimmy Smits) et Ramon (Giancarlo Esposito), l’un est un pilier de la communauté qui rêve d’un avenir meilleur pour les siens, quitte à le faire par les méthodes les plus brutales, et l’autre, pasteur conservateur et autoritaire, et papa de Mylène. Enfin, Jackie Moreno (Kevin Corrigan), le producteur de musique à la dérive, Fat Annie (Lillias White) et Cadillac (Yahya Abdul Marteen II), mère et fils gangsters viennent compléter le tableau.

Cet ensemble cast, littéralement choral, nous raconte les débuts du hip-hop, qui n’a pas encore de nom à ce moment, et s’exprime au travers de fêtes sauvages durant lesquelles les idoles underground du moment, principalement DJ Kool Herc et Grandmaster Flash, créent les bases de ce qui deviendra une des formes majeurs de la musique contemporaine. Ces rencontres s’appellent des “Get down”. Mais au-delà de l’histoire d’un genre musical, c’est aussi l’histoire de cette époque qui nous est contée et les résonances qu’elle a jusqu’aujourd’hui.

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“Look, if you had, one shot, or one opportunity
To seize everything you ever wanted. In one moment” (Eminem – Lose yourself)

La série est hors normes à de nombreux égards. Tout d’abord, le développement qui fut en soit une épreuve. Ensuite, l’équipe créative qui a conçu ce show sur ce sujet. En effet, Baz Luhrmann est un réalisateur à l’univers baroque, il suffit de regarder son Romeo + Juliet ou encore Moulin Rouge pour en être convaincu. Créant souvent des mises en scènes chorégraphiques et musicales, il met son savoir-faire au service de cette histoire et surtout de cette culture musicale dans un mélange tout à fait unique. On notera dans l’épisode d’ouverture, notamment, cette longue introduction chorale durant laquelle on passe d’un personnage à l’autre pratiquement sans discontinuer. Déconcertant au départ, cette façon de mettre en scène l’histoire devient l’identité de la série, à tel point que les séquences plus conventionnelles peuvent parfois tomber un peu à plat au milieu de ces moments qui sont littéralement un ballet musical et visuel. Il faut d’ailleurs noter que Luhrmann s’adjoint les services Stephen Adly Guirgis, dramaturge essentiellement, et New-Yorkais définitivement. Là encore, le tableau ne serait pas complet sans la présence de Grandmaster Flash (le vrai cette fois) et Nas, le premier étant le témoin de cette époque musicale, et le second pilotant la musique du show.

Un point important de la narration est le temps. En effet, dès l’ouverture, nous nous trouvons en 1996, durant un concert à Madison Square Garden (New York), le chanteur est notre Ezequiel “Books” Figuera. Ces séquences fonctionnent comme fonctionnerait un chœur de théâtre antique, racontant l’histoire, prenant la charge du “précédemment dans…”, le tout avec le flow hip-hop. Mais 1977 et 1996 permettent au créateurs de la série, en creux, de mettre en exergue une troisième date importante : le 11 septembre 2001. Les plans sur les deux tours du World Trade Center sont nombreux, pratiquement systématiques, jusqu’à mettre le personnage de Books à l’intérieur du bâtiment dans les derniers épisodes. Tout cela procède d’un objectif global : raconter l’époque, un genre musical naissant, mais qui deviendra aussi une forme d’expression politique, la fin de l’époque disco et d’une forme de période insouciante, le tout emballé comme un spectacle total. Visuellement la série, pour se faire, mélange prises de vues réelles, archives et images numériques.

The get down act 2

The Get Down est donc une série qui a une identité forte, à l’image de son créateur. Hors des moments musicaux et des purs moments de mise en scène, comme l’introduction du personnage de Shaolin Fantastic, ce sont plutôt les codes du soap qui sont exploités ici. Parfois un peu grossiers dans l’écriture, notamment l’histoire entre Mylène et Zeke, les gangsters, ou encore Jackie Moreno le producteur junkie et has-been, ils sont largement rattrapés par des séquences musicales, chorales, très réussies. D’une certaine manière, nombreuses sont ces séquences qui s’approprient, un peu, la base du “get down”, en mélangeant un morceau pop, voire disco, avec un flow hip-hop.

Presque 40 ans après sa naissance sur les cendres d’un Bronx aux allures de ville après un bombardement, le hip-hop, rap, est aujourd’hui une industrie musicale multimilliardaire, que la télé s’est d’ailleurs appropriée depuis un certain temps. Avec The Get Down ce n’est pas seulement un retour aux racines artistiques qui nous est proposé, mais bien une vision baroque de l’histoire de New-York et du Bronx sud en 1977.

Avec une acuité réelle, The Get Down s’empare d’une période sombre de l’histoire New-Yorkaise qui donna naissance au Hip-Hop, et, sous la forme presque d’un “musical”, nous raconte les racines sur lesquelles a poussé un des genres dominant du dernier quart du vingtième siècle.

Crédit: Netflix

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